Covid 19 un révélateur de dysfonctionnements
Le Covid-19 est un beau moyen de mettre en lumière quelques travers de notre société.
Ce que la crise actuelle nous révèle sur notre société occidentale sont des peurs, notre santé publique affaiblie, des psychoses et des faiblesses. Nous allons parcourir brièvement aujourd’hui des exemples de ces 4 points.
Commençons par le marqueur de nos peurs. Nous vivions depuis deux générations sans guerre sur notre continent européen (Europe des 26), sans famine, ni grosse catastrophe naturelle, ni vraie épidémie comme l’était la peste ou la grippe espagnole. Au contraire nous avons vu nos espérances de vie s’allonger de 50% et notre confort de vie augmenter. De plus nous travaillons moins pour avoir plus de biens à disposition. La médecine nous sauve de plus en plus de maladies et retarde de plusieurs années l’heure d’une mort naturelle. Cet ensemble de facteur nous à conduit gentiment à un sentiment de toute puissance dans lequel la mort n’est plus envisageable avant un âge très avancé. Mourir après 75 ans est devenu un acquis dans notre inconscient collectif et la peur de mourir d’autre chose nous angoisse. Le Covid-19 vient ici nous rappeler que la vie ne se finit pas toujours dans une maison de retraite à 90 ans entouré de ses enfants. Hé non, ni la nature ni la mort n’ont été domestiquées et notre environnement peut encore nous être hostile et il le sera de plus en plus avec le réchauffement climatique et la dégradation de notre habitat naturel.
Cet élan initié en Europe pour se calfeutrer et résister à un virus afin de survivre était démesuré et utopique. Cette peur de mourir est aussi un marqueur de notre santé devenu fragile depuis les années 1990. Certes sans ce coup d’arrêt brutal nous aurions perdus plus de vies, mais nous aurions perdu des personnes « faibles » avec un horizon de vie très court qui se comptent en mois et non plus en années. Je signe demain pour mourir d’un virus à 80 ans ! Et pour les quelques jeunes qui y seraient passé il faut noter que bien souvent ils auraient été porteur d’un autre problème de santé comme du surpoids. La question est de savoir s’il faut-il encore plaindre des gens à qui l’on martèle depuis des décennies qu’il faut mieux manger et faire du sport ? Depuis les années 1990 une partie de l’humanité s’est affaiblie avec des maladies inconnues ou presque il y a 100 ans, diabète, burn-out, obésité, dérèglement hormonaux dû à la malbouffe… L’Homme modern sédentaire et abreuvés par notre société de consommation a fini par contracter des maladies nous obligent à compenser ces nouvelles faiblesses de santé par des traitements médicaux ou chirurgicaux. Nul doute que notre réaction qui nous a poussé à enfermer tout le monde chez soi était le dernier sursaut avant la mort de notre illusion à éradiquer la souffrance dans nos sociétés capitalistes. Ainsi nous voulons vivre heureux après cette crise il nous faudra à nouveau accepter les aléas de la vie et se résigner à ce qu’un malheur ne soit toujours imputable à quelqu’un mais qu’il peut être le fruit de la fatalité !
Concernant nos psychoses nous sommes tellement déconnectés du monde rural et de la nature que vivons hors-sol dans un monde devenu lui aussi conceptuel et théorique. De nos jours nous ne pensons presque plus qu’à profiter au maximum des bienfaits de la société de consommation. Nous pensons vacances, loisirs, nouvelles expériences et non plus en fonction de nos besoins primaires ou une fois ces derniers assouvis à la quête du sens de notre vie avec comme inspiration la religion ou la philosophie. Non nous nous abreuvons de matériel et de moins en moins de choses essentielles comme les relations humaines. Pour preuve je prends l’exemple du temps passé sur les réseaux sociaux aux détriments de vrais moments entre amis ou en famille. Est-il aussi nécessaire de rappeler que nous vivons déconnectés de la nature, des saisons et des cycles naturels. Quel est le citadin qui touche encore de la terre avec ses mains ? Ce n’est pas en vivant au 5ème étage d’un bâtiment que nous sommes connectés à la Nature ni en faisant un petit tour dans un parc communal avec ses belles pelouses et ses massifs de fleurs bien arrangés. Ce manque de connexion avec le monde du vivant nous éloigne de lui. Ainsi au lieu de respecter notre planète nourricière et protectrice nous la dégradons par notre surconsommation. Et c’est la que nous sommes pris de psychoses et d’une certaine schizophrénie puisque nous sommes conscients que notre modes de vie est la ruine de nos écosystèmes mais dans le même temps il nous est impossible de renoncer à nos acquis matériels et à notre mode de vie qui nous poussent à penser croissance du PIB afin de conserver nos jobs de citadins, notre belle bagnole et notre abonnement Instagram alors qu’il faudrait penser décroissance pour sauver notre maison qui brûle ! Ainsi nous sommes incapables de trancher entre croitre ou renoncer à des pans entiers de notre vie matérielle. Nous agissons toujours comme si nous pouvions conserver l’environnement et nos sociétés modernes alors que notre consommation et la Nature sont comme l’huile et l’eau irréconciliables. Enfin croire en une croissance verte est une douce folie issue de notre incapacité à ouvrir les yeux et accepter que la situation est grave et que la croissance verte n’est pas possible puisque son déploiement entraine lui aussi des tensions sur nos ressources. Il nous faut accepter que notre bateau coule et pour survivre qu’il faut quitter le navire pour embarquer sur une plus petite embarcation. Sinon la fin sera tragique pour un grand nombre d’entre nous et surtout pour les plus pauvres qui n’auront pas les moyens financiers de s’adapter à la nouvelle norme environnementale. Nous planons totalement depuis des décennies et le Covid-19 est venu nous rappeler qu’il existe la réalité du monde physique qui a ses limites.
Le quatrième point révélé par cette crise sanitaire et certaines faiblesses comme notre manque de capacité d’adaptation. Un virus nous terrasse et au lieu de nous adapter en cherchant à mettre en place une médecine d’urgence (ce qui implique malheureusement de trier) nous bloquons tout le monde chez soi comme si cela allait tous nous sauver d’une mort certaine alors que seule une infime partie de la population risque pour sa vie. Pire ce blocus n’a rien résolu puisque le virus circule encore. Une autre faiblesse a été notre incapacité à faire preuve de discernement en mettant tous nos moyens financiers et notre énergie à essayer de résoudre un problème ponctuel et de faible portée. En effet nous ne pouvions pas empêcher le virus de circuler c’était utopique de vouloir le faire. Tout comme l’idée de pouvoir sortir un vaccin en 6 mois. A la place de cela nous avons bousillé notre économie, une partie de nos liens sociaux, l’éducation de nos gamins, le job de beaucoup de parents et l’entrée dans la vie active des jeunes. Pire nous avons installé la psychose dans la société et créé de nouveaux dépressifs. Et le sommet du blues c’est que nous avons dépensés des sommes astronomiques pour sauver des personnes âgées au lieu d’allouer ces montants dans le bien de tous en essayant de prendre un vrai virage écologique ou en mettant simplement fin à la faim dans le monde. Lutter contre le Coronavirus c’était et c’est toujours tenter de sauver à court terme une infime partie de la population en bout de course au lieu d’aider la majeure partie d’entre nous qui sommes en bonne santé avec un horizon de temps long devant nous. Il va de soi que mon discours aurait été diamétralement différent si nous avions eu une épidémie qui touchait les enfants et faisant 30% de morts dans la population.
Toutes ces peurs, ces faiblesses et ces psychoses ont déstabilisé l’homme moderne. Cependant il y a aussi des bonnes nouvelles. Comme le fait que l’on peut infléchir nos politiques et nos comportements radicalement en quelques jours. En effet nous avons vécu un confinement et une fermeture des frontières avec un arrêt momentané des échanges mondiaux. Ceci prouve que l’on peut changer de modèle économique et vivre plus sobrement sous la contrainte. Et c’est un bon signe car nous devrons décroître dans les prochaines années, d’une manière forcée ou choisie alors autant choisir d’y aller même brutalement maintenant plutôt que comme avec le Covid, devoir subir une situation d’urgence du jour au lendemain. Il faut donc que nous retrouvions un équilibre de vie entre les impacts de notre société sur son environnement et ce dernier. En revanche ce que la crise liée au coronavirus nous enseigne c’est que nous sommes plus aptes à dépenser des milliards pour sauver un vieux modèle de société totalement dépassé face aux enjeux de demain plutôt que d’allouer cet argent à réformer radicalement notre monde pour le rendre compatible avec la soutenabilité de la Planète. Espérons qu’après avoir tout fait pour sauver les banques en 2008 puis nos anciens en 2020 nous auront encore assez de moyens budgétaires pour sauver notre climat…
A bientôt
Edouard Coste